"Pour ses débuts avec l'Euskadiko Orkestra, la chef d'orchestre française Marie Jacquot (Paris, 1990) a présenté un programme intense et complet, avec le Concerto pour piano n° 20 de Mozart et la Symphonie n° 7 de Bruckner. L'impression générale du travail de Jacquot n'aurait pu être meilleure : éloquente dans son geste, emphatique dans son attitude, attentive dans son phrasé, toujours consciente de l'équilibre entre les sections. Une première impression extraordinaire qui annonce sans aucun doute une trajectoire prometteuse".
"Cela dit, je dois dire que la Septième de Bruckner de Jacquot était de premier ordre. La réponse des pupitres a également été très bonne, avec un Euskadiko Orkestra très au diapason et très motivé".
"Jacquot s'est avéré avoir travaillé la partition consciencieusement, avec une approche claire et précise des tempi - il en avait été de même pour son Mozart, très précis à cet égard. Le chef français s'est efforcé de présenter un Bruckner communicatif, avec des hauts et des bas dans les moments de plus grande tension expressive, avec quelques climax pas tout à fait bien résolus - la toute fin de la symphonie manquait un peu d'épopée - mais avec une impression générale de grande solvabilité".
Musique - Marie Jacquot, de la raquette à la baguette
Elle excellait au tennis mais s'est reconvertie dans la musique. À 30 ans, cette Française est l'un des célèbres "chefs d'orchestre" (elle insiste sur ce terme) du moment.
D'emblée, fermement mais joyeusement, elle affirme : "Je ne me considère pas comme une "femme" chef d'orchestre parce que cela met l'accent sur le sexe plutôt que sur la profession, même si je respecte la dénomination.
Oublions l'écriture inclusive, il s'agit simplement de Marie Jacquot, chef d'orchestre. En nommant Marie Kappellmeister, l'Oper am Rhein de Düsseldorf-Duisbourg est entré dans le club très fermé des ensembles musicaux dirigés par une femme (4,3 % des orchestres mondiaux, selon les données de 2019) où elle dirige des opéras de Verdi ou de Gounod. Elle peut être appelée pour des concerts avec les meilleurs ensembles musicaux comme l'Académie Karajan (école liée à la Philharmonie de Berlin) ou l'orchestre symphonique de Mulhouse.
A 30 ans, à la veille de diriger un concert à la Filature de Mulhouse, cette jeune femme brune et talentueuse a déjà toute une vie derrière elle, à Chartres, sa ville natale, à une époque où elle n'était pas très mélomane : "Dans la voiture, quand mon père mettait Radio Classique, je changeais pour Fun Radio ou Skyrock, se souvient-elle. La musique classique n'était pas ma tasse de thé". Ces voyages, sur fond de querelle musicale, la conduisaient aux entraînements des championnats. Adolescente, Marie Jacquot est une joueuse de tennis, l'une des meilleures de sa génération. "J'ai été sponsorisé et j'ai joué à Roland-Garros.... Puis, à l'âge de 15 ans, elle décide d'arrêter définitivement le tennis. "Il n'était pas fait pour moi. Entre-temps, j'avais découvert mon instrument, le trombone".
Collectif
Inspirée par un professeur exceptionnel, Roberto Gatto, elle s'est orientée vers la direction d'orchestre : "J'ai été enthousiasmé par le collectif, le sentiment fort d'être ensemble. La découverte de la musique romantique allemande aussi : enivrée par Brahms et Mendelssohn, Marie Jacquot se rend naturellement à Vienne pour ses études. Lorsque, pour un examen, on lui demande de chanter La Marseillaise, elle préfère chanter un morceau de Schumann : "J'aurais aimé chanter la Marseillaise mais je ne connaissais pas toutes les paroles. Son premier contrat important est à Munich où elle assiste le célèbre chef russe Kirill Petrenko. Aujourd'hui, elle vit et pense en allemand, si bien qu'il lui arrive de chercher des mots dans sa langue maternelle.
Endurance
On devine qu'elle a été joueuse de tennis à la façon dont elle utilise son langage corporel à la tribune, à la fois gracieux et dynamique. "La musique a ceci de commun avec le sport : on la joue". dit Marie Jacquot en se souvenant des bénéfices qu'elle a tirés sur les courts en termes de coordination et d'endurance : "J'ai gagné en rondeur et en tonicité. Quand on dirige un opéra, il faut se donner à fond pendant deux ou trois heures, c'est important de tenir". Il y a longtemps, elle ne trouvait pas beaucoup d'intérêt à ces "des histoires qui finissent mal" mais aujourd'hui elle savoure la plénitude de l'opéra : "C'est l'essence même du métier et une formidable source de joie quand on coordonne la scène, la fosse, les techniciens... Il n'y a pas de routine, chaque représentation est différente."
En attendant la réouverture des concerts au public, le concert du 18 décembre 2020 avec les Wiener Symphoniker (Dukas, Ravel, Bach) est en ligne sur : www.youtube.com
Le concert du 16 février avec l'Académie Karajan (Eisler, Weill) est retransmis sur www.digitalconcerthall.com
Le concert du 5 mars avec l'orchestre symphonique de Mulhouse (Beethoven, Mozart, Rachmaninov) est disponible via www.lafilature.org.
Lorsqu'elle étudiait la direction d'orchestre, Marie regardait les vidéos des plus grands chefs sur Youtube pour apprendre d'eux : "Bernstein, Ozawa, Kleiber, Karajan, Abbado, Myung-Whun Chung... La liste est longue". Pas une seule femme dans ce panthéon : "Mais je ne me suis jamais dit : c'est un métier d'homme. Je n'ai jamais eu besoin de voir une femme chef d'orchestre pour me projeter ainsi. Au fond, on m'a posé la question avant même que je ne me la pose..." Formée à Vienne, travaillant en Allemagne, Marie Jacquot a été témoin de la controverse sur l'Orchestre Philarmonique de Vienne soulevée par un tweet d'Ibrahim Maalouf à propos du concert du Nouvel An. "Je soutiens la volonté de diversité et de parité lorsqu'elles sont basées sur la compétence et non sur de simples quotas, explique-t-elle. Ma place, c'est la qualité". Ce lieu d'où elle parle aujourd'hui avec un enthousiasme légitime.
"L'orchestre symphonique de Düsseldorf est assis sur la scène autour de Marie Jacquot, qu'ils connaissent bien en tant que Kapellmeisterin du Deutsche Oper am Rhein. Jacquot brille par sa bonne humeur et dirige de manière si instructive et sans prétention que l'on se demande à quel point la dernière œuvre de Britten sonne galante et colorée dans la salle vide."
"Christian Ehrings demande une interview au chef d'orchestre. Jacquot se montre aussi amicale que sur le podium, parle de son passé de joueuse de tennis (elle a été numéro cinq en France) et doit sourire face à l'assurance d'Ehrings, qui n'a pas été formé à l'opéra.
Rp-online
"Marie Jacquot a motivé l'orchestre à utiliser des accents forts et des dynamiques expressives, a pressé le tempo, a modelé le son qu'elle souhaitait avec des gestes clairs".
Bachtrack.com
"Jacquot a laissé s'exprimer le sentiment de la "nouvelle objectivité" dans les 1er et 3e mouvements, qui ont été joués de manière extrêmement succincte et avec beaucoup de détails par les 35 musiciens de cette académie et ont fait preuve d'intelligence créative dans les solos comme dans les tutti. Soigneusement, sans que les voix se couvrent les unes les autres et avec une bonne pulsation pour des lignes mélodiques claires, la symphonie ne s'est pas transformée en un travail d'adrénaline, les cantilènes de cordes étroitement entrelacées du Largo ont conservé leur charme amer dans une mélancolie rétrospective. Magistral !"
Vu et entendu.com
"La musique décide du succès de la soirée. Et Marie Jacquot est entre de très bonnes mains. Elle a développé un feeling exceptionnel pour cette musique, qu'elle dit diriger pour la première fois au festival. Parfois, les choses vont droit au but si cela sert la cause. Lors d'un entretien avec Oliver Hilmes, manager culturel expérimenté et rédacteur en chef du magazine 128 de la Philharmonie de Berlin, qui doit lire des questions étonnamment préparées sur la feuille et évoquer les influences d'autres musiciens sur les compositeurs de la soirée, le chef d'orchestre décrit de manière saisissante et précise les impressions que la musique transmet. C'est vraiment agréable, surtout quand on se sent confirmé dans ses propres sentiments".
O-ton.online
Marie Jacquot était une joueuse de tennis très douée. Mais à 16 ans, elle pose la raquette et décide de devenir chef d'orchestre. Rencontre avec une artiste exceptionnelle.
Interrogée sur l'importance de la technique de frappe, la chef d'orchestre Simone Young a déclaré un jour : "Chaque chef d'orchestre travaille toute sa vie sur le plan technique : Chaque chef d'orchestre travaille techniquement toute sa vie, "mais on a de bonnes mains ou on ne les a pas". Cette affirmation peut sembler banale, mais elle est vraie. Le phénomène des "bonnes mains" peut être étudié en observant Marie Jacquot, qui n'a que 30 ans.
Le premier Kapellmeister de la Deutsche Oper am Rhein et ancien directeur musical général adjoint du Mainfranken Theater Würzburg est parisien, viennois, originaire de Weimar, rhénan par choix - et certainement l'un des jeunes interprètes les plus imaginatifs de ces dernières années. Lors de la représentation du Tombeau de Couperin de Maurice Ravel en décembre dernier à la Philharmonie d'État de Rhénanie-Palatinat, des nuances gestuelles à peine visibles lui ont suffi pour modifier le son de l'orchestre pendant des secondes entières. Les mains peuvent le faire lorsqu'elles sont aussi souples qu'elles le sont, aussi indépendantes et spontanément coordonnées que les idées musicales de leur propriétaire. Dans son cas, des mouvements apparaissent que l'on n'a jamais vus s'exprimer de cette manière - si individuels qu'aucune écriture d'un professeur ou d'une école ne transparaît. Une grande partie de cette direction est complètement autonome, comme si elle était portée par une sérénité satisfaite et stoïque, ou plutôt par une confiance profonde dans la musique.
Lors d'un concert comme celui de décembre dernier, Marie Jacquot n'a besoin que de quelques instants pour former avec ses mains des structures et des vides qui bannissent l'oreille et le regard du spectateur. Rien de tout cela ne semble révolutionnaire ou comme jamais entendu auparavant. Les interprétations de Jacquot sont plus inventives que novatrices, elles flottent, elles surgissent de manière autonome, sans le geste de s'émanciper de quoi que ce soit.
Apparemment, la chef d'orchestre n'a pas l'intention de réécrire la musique classique et ses habitudes simplement parce qu'on attend d'elle qu'elle le fasse en tant que jeune interprète. "Les symphonies existent depuis des siècles", dit-elle dans un mélange d'accent français et de léger dialecte viennois, "et même si l'on essaie de respecter le plus possible ce que le compositeur a écrit, de nouvelles voies émergent sans cesse". Elle veut servir la composition et l'interpréter de telle sorte "que la musique corresponde le plus possible à ce qu'un compositeur a essayé de nous donner" - sans que l'on sache si cela sera jamais possible. Comme un jeu où l'on ne sait jamais si l'on a gagné ou perdu ? "J'appelle cela : traiter honnêtement et respectueusement l'œuvre et la musique", explique Jacquot. "J'essaie de ne pas me laisser emporter par la vitesse de notre société, je veux avoir le temps de me développer en tant que musicien et en tant que personne.
Un chef d'orchestre comme elle n'est pas un chef. Il fait partie intégrante d'un processus qu'il façonne avec d'autres - un processus dont l'issue est totalement ouverte. Il faut être capable de supporter cela. Elle en est capable. C'est en grande partie à cause de cette attitude que Marie Jacquot a renoncé à une brillante carrière de joueuse de tennis avant d'étudier la direction d'orchestre - elle avait atteint le tournoi de Roland-Garros. "À un moment donné, j'ai réalisé que je ne voulais plus jouer contre les autres", explique-t-elle. "La compétition et le combat, ce n'est pas mon âme. Du jour au lendemain, la jeune fille, alors âgée de 16 ans, a quitté la batte. "Dans ma famille, le sport et la musique ont toujours été importants", explique Jacquot. "Enfant, mon père devait choisir l'un des deux, soit la clarinette, soit le tennis. Il nous a obligés, nous les enfants, à choisir quelque chose des deux - un sport et un instrument". Comme ses deux frères et sœurs, Jacquot a commencé par le piano et le tennis, avant de passer au trombone à l'âge de dix ans, qu'elle a étudié à Paris jusqu'à son examen final.
Ici aussi, l'ouverture d'esprit a fini par prévaloir : Elle s'est rendue à Vienne et à Weimar pour étudier la direction d'orchestre sans passer l'examen final. Le tennis et le trombone, ces expériences opposées de soliste impulsive et dominante sur le court et de voix intermédiaire appropriée dans les cuivres profonds, ont probablement été formatrices pour le style de direction imaginatif de Jacquot : l'indépendance maximale des mains et l'anticipation qu'elle a apprises au tennis, d'une part, et l'oreille fine et la virtuosité communicative dans la création d'un son, d'autre part, que l'on apprend en tant que musicien d'orchestre. La décision de passer enfin à l'orchestre, dit-elle, a été exactement cela, à savoir un processus naturel, "comme toutes les fois précédentes". Ma famille a été un peu surprise par toutes ces décisions spontanées, mais elle m'a toujours soutenue. J'espère qu'ils sont devenus fiers. "
Peut-être que la direction d'orchestre n'est qu'une étape pour vous ? "Je pense qu'il est possible que je refasse quelque chose d'autre", dit Jacquot. "Mais tant que j'aime mon travail, ma vocation, cela n'arrivera pas.
Aucun grand concert n'a eu lieu depuis des mois. Outre les angoisses existentielles auxquelles sont exposés de nombreux musiciens, cela n'a pas seulement été synonyme de difficultés pour Jacquot : "J'ai utilisé le temps passé à la maison pour réfléchir à mes idées sur le son et pour me poser des questions sur certaines œuvres, pour lire beaucoup et à leur sujet. Par-dessus tout, ce fut une période productive, "en tant que chef d'orchestre et en tant que personne". Pour la première fois, après des années de voyages et de concerts, elle a eu l'occasion d'écouter ses pensées comme les voix individuelles d'un orchestre. "J'ai beaucoup réfléchi à moi-même et à la direction que je veux donner à ma vie", dit-elle. Et d'ajouter, comme si elle parlait d'une de ses interprétations : "J'ai eu beaucoup d'idées et je me suis forgé des opinions qui ont changé à plusieurs reprises dans cette situation inhabituelle. Et cela peut encore changer."
Le 5 octobre, Marie Jacquot dirigera le concert de la série "Rendezvouz à 8 heures et demie" à Düsseldorf avec l'Orchestre symphonique de Düsseldorf.
Le 3 novembre, elle fera ses débuts à l'Opéra d'État de Bavière avec l'opéra "South Pole" de Miroslav Srnka.
Le 6 décembre, elle dirigera l'Orchestre symphonique allemand de Berlin à la Philharmonie.